samedi 26 février 2011

C'est le printemps!


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J’ai beau répéter " Ça sent le Printemps", ma tenue vestimentaire me trahit. Si j’ai chaud, c’est parce que mon anorak est relevé jusqu’au menton et que ma cagoule à pompons me comprime la tête. Tout est triste et je suis si ridicule avec ma pommade Rosat qui ne réfléchit aucun rayon de soleil.

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Ma mère me disait :" Ginette, l’humeur de chacun contribue à créer l’ambiance. Elle déteint sur celle des autres. Nous avons tous notre rôle à jouer dans ce bas monde". C’est vrai que je dois faire quelque chose avant que le personnel du bureau ne soit décimé. Ils sont tous en train de plonger dans la neurasthénie et je culpabilise à l’idée que mon patron se jette de désespoir par la fenêtre du 7ième étage. Ça serait vraiment dommage pour les massifs de cactus qui bordent les rangées d’aubépines, tout en bas. L’image de son propre corps transpercé comme une poupée Vaudou se profile dans ma tête…. Je sais…Il ne faut pas que cela me fasse rire ! Pour retrouver mon sérieux, j’imagine la secrétaire aux prises avec le broyeur de papier, essayant de se taillader les veines. Et, si elle réussissait son coup et qu’on la retrouvait exsangue, les poignets en charpies, dans une mare de sang remplie de bandes multicolores !

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Avant qu’il ne soit trop tard, je vais leur en apporter du printemps ! Ma chemise à fleurs et ma mini jupe froufroutante feront bien l’affaire. Comme il fait un peu froid, je les réchaufferai d’une paire de collants rose pétants et d’un pschitt d’eau de toilette aux essences d’églantine.

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Je ne sais pas si c’est le froid ou les cafés brûlants que j’ai absorbés à chaque correspondance du RER, mais à peine franchi le hall d’entrée de la société, je dois me précipiter aux toilettes. Je ne regrette pas mon initiative vestimentaire car tous les yeux sont braqués sur moi. C’est vrai que j’en jette avec mes couleurs flamboyantes. J’obtiens même un sifflement admiratif et une remarque un peu osée mais avec les hommes, il faut s’attendre à tout : vous leur montrez un bout de jambe et ils vous déshabillent de pied en cap ! Seules les écervelées du démarchage téléphonique ont ricané dans mon dos, en adoptant des regards outrés. Ça, je peux le comprendre de Madame Francine, notre chef de bureau ; elle est d’une autre génération. A son époque, on portait des robes "Princesse" et des tailleurs " Prince de Galles" avec des cols Claudine. Alors, je conçois qu’elle m’ait dit de tirer sur ma jupe : elle vient d’une époque où les petites filles étaient sages comme des images et évoluaient dans un monde merveilleux de lapins en sucre et de poudre de perlimpinpin.

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Je n’y peux rien si je suis la messagère du printemps. J’ai envie de communiquer ma fièvre et je me targue d’avoir virevolté comme une abeille de fleur en fleur, en distribuant le courrier à tout l’étage. Ils sont tous restés bouche bée, épatés par tant de grâce. J’étais très fière de moi, jusqu’au moment où je suis entrée dans le bureau de ma meilleure amie. C’est là que le génie de la honte s’est abattu sur moi…à l’instant précis où elle m’a chuchoté : " Ginette, là derrière, le bas de ta jupe est restée coincée dans tes collants !"